100 km au Massachusset

En fin de semaine c'était ma dernière grande course de la saison. Je suis allé à Westwood près de Boston pour courir le 100 km de l'événement TARC 100.

Vendredi je fais 7h30 de route pour me rendre à la Hale Reservation, magnifique endroit de villégiature pour Scout (je crois) entouré de maisons cossues de la banlieue de Boston. La nature y est splendide et avant d'installer ma tente, je prends le temps de découvrir un peu les sentiers dans lesquels je vais courir le lendemain. Le parcours est assez technique (roches et racines) et malgré la faible hauteur des montagnes, les montées et descentes se succèdent pour donner un dénivelé total de plus de 2100 mètres. Après un bon repas en plein air, je récupère mon dossard et mon t-shirt officiel et je me mets au lit dès 19h30 pour m'endormir immédiatement.

Le départ se donne exceptionnellement tard le samedi et à 10h sous les cris du Yéti ( Oui il y avait vraiment un Yéti sur place. Après tout TARC ça veut dire Trail Animals running club!!) un groupe de valeureux guerriers  s'élance dans la forêt. Les premiers kilomètres seront très rapides sous l'impulsion d'une gang de crinqués qui semblent oublier qu'on en a 100 à parcourir. Je ralenti le rythme mais je cours tout de même la première boucle de 20 km en 2h08. C'est beaucoup trop rapide et j'en paierai le prix plus tard. Le reste de la course sera constitué de deux boucles de 40 km chacune et malgré le fait que je me calme le pompon, je frappe un premier mur dès le 25 ième km, mes jambes sont lourdes et je me sens vide d'énergie. Le rythme ralenti de pas en pas. Dans un 50 km c'est déjà dur de surmonter un passage à vide comme ça, alors imaginez dans un 100 km. Je me demande sérieusement comment je vais terminer cette course et j'envisage de m'arrêter à le fin de ce tour. Mais mes instincts de survie se réveillent: je me mets à boire et manger au maximum, je ralentie un peu mais je me refuse le droit de marcher tous les plats, les descentes et les montées très douces. Je ne m'éternise pas dans les ravitos mais je m'arrête à chacun d'entre eux afin de boire et manger. On est vraiment traités aux petits oignons par les bénévoles qui passeront la nuit à veiller sur nous. Un pas devant l'autre...chaque mètre parcouru me rapproche de l'arrivée...je me rends compte que je n'arriverai pas à atteindre l'objectif de temps que je m'était fixé entre 12 et 14 h, alors je décide de ne plus y aller pour le temps mais de profiter de ces heures à courir dans un décor enchanteur de lacs, forêts variées et sommets rocheux. A la fin de ce tour, la bonne humeur c'est réinstallée. Je ne suis pas plus rapide mais je me sens mieux.

Au début du dernier tour, je constate que je n'ai même pas pensé abandonner au passage du fil d'arrivée. Ça doit être bon signe. La noirceur s'installe, j'allume ma frontale et je me rappelle combien c'est agréable de courir en forêt en pleine nuit. Autour tout devient mystérieux, feutré. Ça devient plus facile de rester centré sur mes feelings, n'ayant accès qu'à quelques mètres devant moi. En même temps, il faut rester totalement concentré pour ne pas trébucher, manquer un virage où tomber dans un précipice marqué d'un simple ruban. En prime je pense aux hurlements de coyotes entendus la veille pendant la nuit.

Mais alors que tout semblait aller pour le mieux, des douleurs au genou et au tendon d'Achille droit se font sentir avec 35 km à parcourir. Je dois maintenant marcher de plus en plus souvent mais je me relance souvent pour éviter d'y passer la nuit. Une douleur intense s'installe aussi dans mes muscles intercostaux et j'endure en courbant l'échine pendant quelques kilomètres avant de constater que c'est le serrement de ma ceinture de fréquence cardiaque qui me fait mal. Je retire donc ladite ceinture (au Yable les stats) et règle au moins cette douleur au bout de quelques minutes. 

Je cours donc dans la douleur mais surtout dans un état de grâce dans cette nuit sombre et fraîche. Les ravitos et leurs bénévoles se font de plus en plus sympathiques avec leurs pancartes d'encouragements, leurs lumières de Noel, leurs bouillons chauds et leurs cris joyeux. Au passage d'un sommet j'éteints ma frontale et contemple le point de vue sur le centre ville de Boston tout illuminé puis je repars dans les sentiers sinueux et rocailleux. Et malgré mon rythme que je trouve lent, personne ne m'a rattrapé depuis le 25 ième km. Je suis confortablement (façon de parler!!)  installé en 9ème position et je cours seul depuis belle lurette. A l'occasion, je double des coureurs du 100 miles  que je félicite pour leur courage. Partis à 6h samedi, ils termineront entre 3h et 13h le dimanche sous une pluie torrentielle qui débutera tard dans la nuit. Alors que j'avance à grand peine et qu'il me reste 8 km à faire, j'aperçois une lumière qui se rapproche par derrière. Gonflé par le peu d'orgueil qu'il me reste, je décide de conserver ma position que je protège depuis maintenant 9h à courir seul. Je me relance sans arrêt, je cours plus vite en boitillant, je profite de ma force en descente dans le noir et cet élan me portera jusqu'au fil d'arrivée ou un comité d'accueil me reçois chaleureusement malgré l'heure tardive et la bruine qui commence. J'apprends que plusieurs coureurs ont abandonnés avant le dernier tour et je termine finalement en 6ième position, 4 ième homme et premier chez les 50-59 ans en 14h 47min et 17secondes retranchant 5h28min à mon précédent record du 100 km en sentier et je n'ai à ce jour aucun DNF (did not finish) dans mes résultats de course.

Je termine ainsi très fier ma série d'ultra marathons de la saison 2016. Ce fut une course difficile où j'ai fait beaucoup d'apprentissages qui me serviront dans la préparation de ma saison 2017 pendant laquelle je souhaite compléter mon premier 100 miles (160km)